Dans une écriture où les envolées littéraires côtoient un style direct et populaire, le narrateur nous raconte, non sans humour, la terrible aventure qu’il vécut à l’occasion d’une conférence à laquelle il se rendit bien malgré lui. Mais à travers le récit d’une histoire incroyable, il nous dévoile surtout sa nature profonde, celle d’une personne mentalement malade.
C’est que la réalité en dissimule souvent une autre. D’ailleurs, derrière le narrateur se cache toujours un peu l’auteur. Dans le cas présent, ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Oui, l’aveu est là, cinglant : voici qui je suis…

Extrait

Pour autant, les quelques minutes passées dans le désarroi total m’avaient été fatales… Non, on ne récupère jamais à l’identique les trésors de certitudes abandonnés sur le chemin de l’existence. C’est pourquoi je ressentis tout à coup le besoin de prendre du recul par rapport aux évènements récents : il y avait eu mes retrouvailles avec Bertrand, dont la personnalité lisse me paraissait de plus en plus suspecte, il y avait eu ces quelques jours d’angoisse inexplicable précédant cette fichue conférence, le clochard et ses propos sentencieux qui auraient dû me mettre la puce à l’oreille, il y avait eu ce chat noir, si énorme, et qui s’était aventuré dans mes jambes sans l’ombre d’une crainte, il y avait eu, comme par hasard, cette grève des taxis qui m’obligea à traverser à pied la moitié de Paris ; et cette lune effroyable, astre véritable me jetant corps et âme dans les ténèbres de ma vie pendant quelques instants d’éternité.

Instinctivement, je réalisais bien tout le drame qui se mettait en place dans les rouages de ce temps maudit. Pourtant, dans l’immédiat, assis sur un banc et plein de l’insouciance du voyageur éreinté ayant posé son sac d’espoir, j’ignorais encore qu’une journée dévastatrice s’apprêtait à me détrousser de mon humanité. Dans bien trop peu de temps, le cauchemar de ma vie allait débuter et donner un sens à mon désespoir…