Entretien avec Laurine Williot – Jaune comme la nuit
Quel a été votre sentiment quand votre livre est paru ?
De l’INCREDULITE ! Je rêve de voir mon nom dans une librairie depuis que j’ai 6 ans ; alors le voir, pour de vrai, quel moment incroyable ! Ca avait quelque chose d’irréel.
Quels ont été les retours des premiers lecteurs ? Que vous ont-ils dit sur votre livre ?
Soit ceux qui ne l’ont pas aimé n’ont pas osé me le dire, soit j’ai eu la chance de ne tomber que sur des lecteurs fans de science-fiction, parce qu’étonnamment, jusque-là, les retours sont presque tous positifs. On m’a surtout parlé de mes descriptions ; apparemment, les lecteurs les ont trouvées déconcertantes. Poétiques, saisissantes, mais surtout déconcertantes, oui, parce qu’elles associent des images assez incongrues et pourtant permettent de visualiser d’un coup et très précisément ce que je décris. Il faut dire que j’ai un faible pour les descriptions : comme c’est souvent ce qui ennuie le plus les lecteurs, c’est un vrai défi pour l’auteur que de les surprendre, voire de les accrocher par des descriptions. C’était en tous cas l’un de mes défis en écrivant ce livre.
Que retenez-vous de cette expérience d’édition par rapport à votre travail
d’écriture ? En avez-vous tiré des enseignements ?
Oh oui. C’était d’ailleurs le but de ce premier livre : que les lecteurs m’enseignent ce qui allait et ce qui allait moins dans ma manière d’écrire. Et apparemment, ce n’est pas tant par l’écriture que par l’architecture que je vais devoir commencer : des lecteurs scrupuleux m’ont fait remarquer (à raison) que je n’avais manifestement jamais construit de mur, puisque la hauteur de mes habitations n’était techniquement pas possible. Je veux bien les croire. Mon prochain défi sera donc que mes maisons et mes murs soient aussi solides que mon intrigue.
Quelle est l’originalité de votre livre selon vous ? A-t-elle été perçue par vos premiers lecteurs ?
L’originalité ? Ma manière d’analyser le tabou de l’âge, certainement. C’est en tous cas ce que m’ont rapporté les lecteurs : que j’avais un point de vue tranché et original sur le problème du jeunisme -d’autant plus original peut-être que je suis moi-même jeune et le jeunisme fait que justement les jeunes ne s’intéressent pas à la vieillesse avant d’y être acculé. C’est une cause qui ne devrait donc pas me toucher personnellement, pas encore ; mais je crois qu’elle touche de plus en plus de monde et de plus en plus jeunes. Et moi je suis touchée par ce qui touche ma grand-mère, mes parents, mes amis et qui touchera mes enfants.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous une méthode pour écrire ? Des rituels ou des astuces ?
Je crois qu’on a tous des petits rituels. Moi, c’est cette tendance à mimer avec mes mains les scènes que je me représente (ce qui n’est absolument pas pratique pour taper sur le clavier), mais qui m’aide à vivre ce que j’imagine. Un peu comme au théâtre. C’est pourquoi j’ai tendance à m’isoler quand j’écris : je m’enferme dans ma chambre, à la tombée de la nuit, sans rien autour de moi sinon mon ordinateur et mon verre de lait. Je reste là deux heures, parfois trois, parfois plus. En fait, j’y reste aussi longtemps que mes mains peuvent écrire ; puis, quand je n’en peux plus, quand je me sens vidée de mes mots, je sors courir, danser, voir des amis, câliner mon lapin, lire… Je vais vivre, quoi.
Envisagez-vous d’écrire un autre livre ? Si oui sur quoi avez-vous envie
d’écrire pour ce prochain livre ?
Oh oui. Il faut bien que je fasse quelque chose de toutes ces idées qui n’arrêtent pas de se reproduire ! J’écris toujours à partir d’une scène. Ça peut être une scène que j’ai vue dans un clip, dans la rue, dans un rêve même, mais dans tous les cas, c’est une scène qui me bouleverse et à partir de laquelle je construis mon intrigue. Je ne sais pas quand ni comment elle apparaîtra, mais je sais qu’elle apparaîtra. La scène-clé de mon prochain roman se situe au pied d’une fenêtre : une femme met du rouge à lèvres sur la bouche d’un autre et, à ce frôlement anodin, se trouble. Cette timidité, cette douceur, je veux la voir au beau milieu de la guerre d’Algérie. Parce que, me semble-t-il, entre l’islam, la colonisation et la violence, la guerre d’Algérie n’a pas fini d’interroger notre société d’aujourd’hui.
Laurine Williot, auteure de Jaune comme la nuit, disponible sur le site des Éditions Maïa. Cliquez ici pour le découvrir.